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INTRODUCTION.

bliées dans leur intégrité absolue ; et nous les surprenons copiant sournoisement sept pièces au moins dans les éditions antérieures. Ils dénoncent les in-quartos comme des contrefaçons frauduleuses, et ils contrefont ces contrefaçons. Ils crient sus aux voleurs, et eux-mêmes ils les volent ! Ils pillent ces pillards ! Ils dénoncent le sacrilége, et ils font pis. Ils accusent les précédents éditeurs d’avoir défiguré les pièces du maître, et eux-mêmes ils dégradent Hamlet, ils mutilent le Roi Lear ! Eux, les exécuteurs testamentaires de ce génie, ils châtient les chefs-d’œuvre de Shakespeare sur sa tombe à peine fermée !

Mais au moins, si Héminge et Condell se permettent de lacérer ainsi les pièces de Shakespeare, les publient-ils toutes ? Ont-ils livré à l’impression tout ce qu’il a écrit ? Tous les manuscrits que le défunt a laissés ont-ils été scrupuleusement remis à Blount et à Jaggard ? Nous avons vu que les éditeurs ont failli omettre Troylus et Cressida. N’auraient-ils pas par mégarde laissé au fond d’un tiroir quelque Macbeth inconnu, quelque Cymbeline inédit ? Sur ce point, je ne suis nullement rassuré par ce titre équivoque et vague de l’in-folio de 1623 : Comédies, pièces historiques et tragédies de M. William Shakespeare, publiées conformément aux vraies copies originales. Voilà, en vérité, trente-cinq « comédies, pièces historiques et tragédies. » Mais sont-ce bien là toutes les comédies, toutes les pièces historiques, toutes les tragédies ?

Et d’abord une réflexion m’inquiète. Les savantes recherches de M. Charles Knight, confirmées par les investigations de la critique allemande, ont établi qu’il fallait fixer non pas à 1589, comme l’ont fait Malone et Chalmers, ni à 1592, comme l’a fait M. Drake, mais bien à 1584 ou 1585 l’époque à laquelle Shakespeare commença à travailler pour le théâtre. J’ai démontré au premier volume de cette traduction que l’esquisse d’Hamlet est antérieure à