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ACTE III, SCÈNE II.

SCÈNE II.
[Un carrefour dans la forêt.]
Entre la fille du geôlier.
la fille du geôlier.

— Il s’est mépris sur le fourré que je lui indiquais, et il s’en est allé — suivant sa fantaisie. Le matin maintenant est tout proche… — N’importe ! je voudrais qu’il fit une nuit perpétuelle, — et que les ténèbres fussent maîtresses du monde… Écoutons ! c’est un loup !… — En moi le chagrin a tué la peur et je ne me soucie — de rien, excepté de Palémon : — je ne m’inquiéterais pas d’être dévorée par les loups, pourvu — qu’il eût sa lime. Si je le hélais !… — je ne sais pas héler ; si je criais ?… eh bien après ? — Pour peu qu’il ne me répondit pas, j’appellerais un loup, — et voilà tout le service que je lui rendrais… J’ai entendu — d’étranges hurlements pendant cette longue nuit ; ne serait-ce pas — qu’ils ont fait de lui leur proie ? Il n’a pas d’armes ; le bruit de ses fers — a pu appeler l’attention des animaux féroces qui ont en eux — l’instinct de reconnaître un homme désarmé, et savent — flairer la résistance, partout où elle est. J’affirmerais — qu’il a été mis en pièces ; un grand nombre hurlaient à la fois, — et c’est alors qu’ils l’ont mangé ! voilà la vérité !… — Ayons le courage de sonner la cloche… À quoi bon ? — Du moment qu’il n’est plus, tout est fini… Non, non, je mens ; — mon père sera pendu pour cette évasion ; — moi-même, je serai réduite à mendier, si je tiens à la vie assez — pour nier mon action ; mais je ne voudrais pas la nier, — quand je devrais subir des douzaines de morts !… Je suis tout étourdie ; — je n’ai pas pris de nourriture depuis deux jours ; — j’ai avalé un peu d’eau ; — je n’ai pas