joué ensemble, ils avaient été applaudis ensemble et sifflés ensemble. Ils avaient été exposés aux mêmes bravos et aux mêmes huées. Le dur préjugé public, qui pesait encore sur Héminge et Condell, avait accablé Shakespeare. Ils appartenaient à cette même caste de réprouvés qu’excommuniaient doublement la persécution fanatique du puritanisme et la protection hautaine de l’aristocratie. Tous trois étaient hors la société. L’incommensurable dédain qui bannissait du monde Héminge et Condell, en avait proscrit Shakespeare. Aussi avec quelle timidité, mêlée d’effroi, Héminge et Gondell haranguent les deux grands seigneurs auxquels ils vont dédier les œuvres du défunt ! En quels termes suppliants ils conjurent M. le comte de Montgomery et M. le comte de Pembroke d’excuser cette outrecuidante dédicace !
En nous étudiant à prouver notre reconnaissance particulière pour les nombreuses faveurs que nous avons reçues de Vos Seigneuries, nous sommes tombés sur cette mauvaise chance de mêler les deux choses les plus diverses qui puissent être, — la témérité et la crainte, — la témérité dans l’entreprise, et la crainte de ne pas réussir. Car, quand nous examinons les hautes fonctions occupées par Vos Honneurs, nous ne pouvons pas ne pas reconnaître que leur dignité est trop grande pour qu’ils condescendent à la lecture de ces bagatelles, et, en disant que ce sont des bagatelles, nous nous sommes privés de l’excuse de notre dédicace. Mais, puisque Vos Honneurs ont daigné jusqu’ici considérer ces bagatelles comme quelque chose, et ont poursuivi et ces ba-