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TITUS ANDRONICUS.

taine ; il fasse lui-même ce récit ; — vos cœurs sangloteront et gémiront à ses paroles.

lucius.

— Sachez donc, nobles auditeurs, — que les infâmes Chiron et Démétrius — sont ceux qui ont assassiné le frère de notre empereur, — et que ce sont eux qui ont violé notre sœur : — pour leurs horribles crimes nos frères ont été décapités ; — les larmes de notre père ont été méprisées ; on lui a lâchement ravi — cette loyale main qui avait lutté jusqu’au bout pour la cause de Rome — et envoyé ses ennemis dans la tombe ; — moi-même enfin, j’ai été injustement banni ; — les portes ont été fermées sur moi, et, tout éploré, j’ai été chassé, — pour aller mendier du secours chez les ennemis de Rome, — qui ont noyé leur inimitié dans mes larmes sincères — et m’ont accueilli à bras ouverts comme un ami. — Et, sachez-le, c’est moi, proscrit, — qui ai assuré le salut de Rome au prix de mon sang ; — j’ai détourné de son sein le glaive ennemi, — au risque d’en plonger la lame dans ma poitrine aventureuse ! — Hélas ! vous le savez, je ne suis pas un fanfaron, moi ; — mes cicatrices peuvent attester, toutes muettes qu’elles sont, — que mon affirmation est juste et pleine de vérité. — Mais doucement ! Il me semble que je fais une digression excessive — en chantant ma louange, moi, indigne. Oh ! pardonnez-moi ; — les hommes font eux-mêmes leur éloge, quand ils n’ont pas près d’eux d’amis qui le fassent.

marcus.

— Maintenant c’est à moi de parler. Voyez cet enfant.

Il montre l’enfant qu’un serviteur porte dans ses bras.

— Tamora l’a mis au monde ; — il est l’engeance d’un More impie, — principal artisan et promoteur de tous ces maux. — Le scélérat est vivant, dans la maison de Titus, — pour attester, tout damné qu’il est, que telle est la vérité. — Jugez maintenant si Titus a eu raison de se venger — de