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SCÈNE II.

cela ? Seriez-vous donc fâchés, — si tous deux vous réussissiez (5) ?

chiron.

Moi, nullement !

démétrius.

Ni moi, — pourvu que je sois de la partie !

aaron.

— De grâce, soyez amis, et liguez-vous au lieu de vous quereller. — C’est l’adresse et la ruse qui doivent — vous mener à vos fins ; réfléchissez-y bien, — ce que vous ne pouvez pas faire comme vous le voulez, — vous devez forcément l’accomplir comme vous le pouvez. — Prenez de moi cet avis : Lucrèce n’était pas plus chaste — que cette Lavinia, la bien-aimée de Bassianus. — Il nous faut poursuivre une marche plus expéditive — que cette traînante langueur, et j’ai trouvé la voie. — Messeigneurs, une chasse solennelle se prépare ; — les aimables dames romaines y afflueront. — Les allées de la forêt sont larges et spacieuses, — et il y a bien des recoins solitaires, — ménagés par la nature pour le viol et la vilenie : — entraînez-y donc cette biche délicate, — et attrapez-la bonnement par la force, sinon par des paroles. — C’est dans celle voie, et pas ailleurs, qu’il y a pour vous de l’espoir. — Allons, allons, nous instruirons de tous nos projets — notre impératrice, dont l’esprit néfaste — est voué à la violence et à la vengeance, — et elle perfectionnera nos ressorts avec ses avis ; — elle ne souffrira pas que vous vous querelliez, — mais elle vous mènera tous deux au comble de vos vœux. — La cour de l’empereur est comme la demeure de la renommée ; — son palais est rempli de langues, d’yeux, d’oreilles ; — les forêts sont impitoyables, terribles, sourdes et mornes. — Là, braves enfants, parlez, frappez, et usez de vos avantages ; — là assouvissez votre désir, à l’abri des regards du ciel, — et gorgez-vous des trésors de Lavinia.