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soit ne se met en peine d’en chercher la cause. On sait que notre constitution intellectuelle est sujette à des paralysies qui l’accablent, & l’on n’est point curieux de connaître l’origine de ces accidents. Personne ne prend le Scalpel, & ne travaille à s’éclairer dans les entrailles du Cadavre[1] : on en est à peine dans cette

  1. Le Chirurgien habile s’exerce long-tems sur les morts avant que d’opérer sur les vivans : il s’instruit le scalpel à la main, de la situation, de la nature, & de la configuration des parties : il avoit exécuté cent fois fur le Cadavre les opérations de son art avant que de les tenter sur l’Homme. C’est un exemple que nous dévrions tous imiter : te ipsum concute. Rien n’est plus ressemblant à ce que l’Anatomiste appelle un Sujet, que l’ame dans un état de tranquillité : il ne faut alors pour opérer sur elle ni la méme adresse ni le même courage que, quand les passions l’échaussent & l’animent. On peut sonder ses blessures & parcourir ses replis, sans l’entendre se plaindre, gémir, soupirer : au contraire dans le tumulte des passions, c’est un malade pusillanime & sensible que le moindre appareil effraye ; c’est un Patient intraitable qu’on ne peut résoudre. Dans cet état, quel espoir de guerison, surtout si le Médecin est un ignorant !