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s’il dit qu’il est vrai, ou il le dira sans démonstration, ou il le dira avec démonstration. S’il le dit sans démonstration, il ne méritera pas qu’on le croie : que s’il le dit avec démonstration, il faudra nécessairement que cette démonstration soit véritable ; autrement elle ne méritera aucune croyance. Il faudra donc qu’il dise que la démonstration, qui sert de confirmation à son Critérium, est vraie. Mais a-t-il jugé cela avec discernement, ou sans discernement ? S’il l’a jugé sans discernement, on ne le croira pas : et s’il la jugé avec discernement, il faudra qu’il dise qu’il s’est servi d’un Critérium, d’une règle de vérité dans ce jugement. Critérium, dont nous demanderons encore la démonstration, et ensuite le Critérium de la démonstration : car la démonstration a toujours besoin d’un Critérium, pour la confirmer ; et le Critérium a besoin d’une démonstration, qui fasse voir qu’il est vrai : tellement que ni la démonstration ne peut pas être vraie, qu’en vertu d’un Critérium vrai ; & le Critérium ne peut être vrai, qu’en vertu d’une démonstration vraie. Ainsi, quand on veut prouver la vérité de la démonstration, par la vérité du Critérium, et la vérité du Critérium par la vérité de la démonstration ; on tombe dans un cercle sophistique ou dans ce que nous appelons le Diallèle, qui est une manière vicieuse de prouver réciproquement deux choses, également contestées, l’une par l’autre. D’où nous concluons qu’elles restent toutes deux incertaines : Car on ne pourra croire ni l’une, ni l’autre, tant que l’une et l’autre étant incertaine, on ne pourra néanmoins les prouver que l’une par l’autre.

Si donc ni sans démonstration et sans Critérium, ni avec l’un et l’autre, on ne peut pas préférer une apparence à une autre ; on ne pourra pas par conséquent discerner la vérité, parmi les perceptions qui nous viennent des affections, des dispositions, et des circonstances différentes.