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quelques apparences des sens, nous ne prétendons pas pour cela renverser ces apparences, et nous n’avons point d’autre intention, que de blâmer la témérité des dogmatiques. Car, si la raison nous trompe quelquefois jusqu’à nous empêcher presque d’apercevoir les apparences des sens, et ce qui est devant nos yeux ; combien ne devons-nous pas la tenir pour suspecte, dans des choses incertaines, si nous voulons éviter de tomber dans les jugements téméraires, où nous tomberions en la suivant ?

Chap. XI De la règle que le scepticisme suit dans ses jugements.

Ce que nous allons dire de la règle que la philosophie des sceptiques suit dans ses jugements, fera voir clairement, que nous acquiesçons aux choses apparentes. On peut distinguer deux sortes de règles des jugements, l’une qui sert à faire croire certainement qu’une chose est, ou n’est pas (de laquelle nous parlerons dans notre réfutation des dogmatiques), l’autre par laquelle on juge des actions, à laquelle on s’attache, et suivant laquelle on fait certaines choses, et l’on évite d’en faire quelques autres dans la conduite ordinaire de la vie. C’est de cette règle des jugements dont nous parlons ici. Nous disons donc que la règle des jugements de la philosophie des sceptiques, est ce qui paraît aux sens ; ou, ce qui revient à la même chose, nous disons que cette règle de nos jugements est l’imagination, ou la perception passive que nous avons de l’apparence d’une chose. Car comme cette perception passive consiste dans une persuasion, et dans une disposition nécessaire et non libre de l’âme, il n’y a point d’examen à faire à l’égard de cette perception, ou de cette apparence. Ainsi personne ne doutera peut-être, qu’une chose ne paraisse d’une telle manière ; mais on demande seulement si elle est telle qu’elle paraît. Nous vivons donc de manière que nous acquiesçons et que nous accordons notre assentiment aux choses apparentes, et que nous observons ce qui appartient à la conduite commune de la vie (sans établir néanmoins aucun dogme) parce que nous ne pouvons pas être absolument sans action. Or l’observation de ce qui appartient à la conduite de la vie