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Outre cela, on peut démontrer, ſuivant ce que nous avons dit en parlant du Critérium a quo, que nous ne pouvons pas ſavoir quel eſt l’entendement qui eſt le plus pénétrant de tous, & que, quand nous aurions trouvé un entendement plus pénétrant que tous ceux qui ſont & qui ont été, nous ne devrions pas pour cela ſuivre ſon jugement ; parce qu’il eſt incertain, s’il n’en viendra point encore quelque autre plus pénétrant que celuy là. Enfin quand on ſuppoſeroit un entendement qui ſurpaſſeroit tous les autres par ſa pénétration & par ſon diſcernement, cependant nous n’accorderons point noſtre aſſentiment à celuy qui jugera par cet entendement là, dans la crainte que nous aurons, que cet homme ayant un entendement fort ſubtil, ne nous veuille perſuader comme vraie, une fauſſe raiſon qu’il nous débitera. Concluons & diſons que l’entendement ſeul ne peur pas juger des choſes.

Il reſte à dire que nous devons juger des choſes par les ſens & par l’entendement enſemble. Mais cela ne ſe peut encore ; tant s’en faut que les ſens dirigent l’entendement, comme de sûrs guides pour parvenir à la connaiſſance des choſes, qu’au contraire ils luy ſont ſouvent oppoſez. parce que le miel eſt amer aux uns & doux aux autres, Démocrite dit qu’il n’eſt ni doux ni amer ; &