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Encore quelques recommandations, quelques suggestions à la femme de ménage plongée dans la frénésie culinaire, devant le fourneau où s’élaborent des plats fins ; un dernier coup d’œil à la salle à manger dont la table est dressée, parée, fleurie avec cet art, ce goût qui font de Nise la fée du logis, puis la jeune fille passe dans sa chambre, afin de retaper un peu sa toilette. Coiffée, habillée, un hennissement de locomotive dans la tranchée du chemin de fer l’attire précipitamment au balcon.

L’express de Modane ! Son train !

Seconde émouvante. D’instinct, comme aimanté, le regard de Nise plonge droit au but. À cette portière, cette pâle et belle figure d’officier britannique, ô Lord, c’est lui ! Et dans son trouble indicible, elle doit se comprimer la gorge pour ne pas se trahir par ce cri du cœur :

— Robert !…

Le même magnétisme qui fascine Nise opère sur le jeune homme. Répondant à la suggestion en quelque sorte hypnotique qui les y attire, ses yeux se lèvent invinciblement sur cette fenêtre qu’il ne sait pas encore être celle des Daliot. Reconnaît-il Denise, comme elle l’a reconnu d’emblée ? Lors de leur unique rencontre, il n’a guère fait que l’entrevoir et depuis elle ne lui a pas envoyé sa photographie, comme Liette la sienne. Cependant le vague souvenir qu’il pouvait garder d’elle paraît soudain se préciser et, avant que le train ne s’engouffre sous le pont routier, avant que la fumée de la locomotive ne se rabatte entre elle et lui, la jeune fille recueille son grave sourire.

Pure courtoisie, peut-être, mais qu’elle ait été la première à le revoir et que ce soit elle qu’avant toute autre il ait saluée, l’incident à son sens relève du merveilleux. La superstition de l’amour y veut trouver son compte et comme une sorte de revanche sur le destin.

À la gare, cependant, Liette trépigne comme si elle avait le diable au corps. Les observations