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IV

Lettres d’amants, purs et chers feuillets que l’âme détache du cœur quand elle s’élève aux cimes qu’il sait atteindre, vos accents, plus variés et plus nouveaux dans leurs éternelles redites que tous les sons qu’Orphée tirait de sa lyre, tiennent en un mot : « Je t’aime ! » Mais ce mot sacro-saint est et doit être la rançon d’une destinée, et qui le profane ou, grisé par sa magie, le prononce à la légère, se fait le plus sur artisan de son infortune.

C’est ce que Liette se dirait si elle en voulait croire M. le curé, dont l’expérience du cœur humain vaut bien la sienne. Hélas ! quand elle a décidé de n’en faire qu’à sa tête, tous les curés du monde et leurs meilleurs conseils n’y pourraient rien ! Elle s’est embarquée joyeusement pour Cythère. Vogue la barque contre vents et marées, et foin du trop prudent pilote qui la voudrait retenir aux rives !

Aimer réellement, elle ne sait pas ce que c’est. Mais elle croit le savoir et cela suffit à sa présomptueuse petite personne, qui ne doute de rien et d’elle moins que de tout.

Son roman ne prend-il pas de jour en jour meilleure tournure ? Et ses lettres, comme celles de Robert, ne sont-elles pas de vraies lettres d’amour ? Car le fil rompu a été renoué. Au bout de quelques semaines d’incapacité physique absolue, pendant lesquelles la signora Bellovici écrivait pour lui, le jeune homme, entré franchement en convalescence, a pu enfin récrire lui-même.

Il a repris son projet de s’arrêter à Chambéry en allant en Angleterre, projet qui était sur le point d’aboutir quand un malencontreux éclat d’obus est venu tout bouleverser. Liette partage sa légitime