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l’embrassant à son tour. Aimons-nous bien, ma petite. Nous nous entendrons de même.

— Je sais, va, je sais !… Donc, considère que je ne t’ai rien dit, l’autre jour, ou plutôt que je ne t’ai rien dit que de très raisonnable et qui puisse rallier ton approbation. Car, pour en revenir à ce cher Robert, il faut bien, n’est-ce pas, en arriver enfin à lui expliquer comment et pourquoi tu lui écrivais à ma place… Le moment est mal choisi ? Mais non, je t’assure, il me paraît assez propice, à moi. M. le curé, en répondant à Mme Bellovici, lui a demandé de bien vouloir m’écrire directement à l’avenir. Je ne veux pas attendre la prochaine lettre de cette dame pour la remercier de l’intérêt qu’elle nous porte et de tout ce qu’elle a fait pour nous. Ces remerciements, j’ai envie de les lui écrire de ma main et, du même coup, je la prierai de dire à Robert ce que je comptais lui dire moi-même, de vive voix, sur mon bobo et sur l’impossibilité matérielle où je me trouvais de tenir une plume.

— Comme tu voudras, soupire Nise.

— Ça ne t’ennuie pas trop, ma chatte ?… Bien entendu, tu continueras de m’aider de tes conseils et même de tes « tournures ». On a beau prétendre que ce que l’on conçoit bien s’exprime facilement, tel n’est pas toujours mon cas. Tu es une admirable épistolière, supérieurement douée pour le style. Tandis que moi, à la pension, je n’ai jamais brillé en composition française. Te rappelles-tu comment mes devoirs étaient annotés par Mlle Adélaïde ? « Médiocre. — Pas de fond. — Idées superficielles exprimées dans une forme très relâchée. » J’en passe et des meilleurs ! Ainsi, quand tu me servais de copiste, nous n’étions pas dans nos rôles. Tu seras beaucoup mieux dans le tien et moi dans le mien si j’écris sous ta dictée. Élève Juliette, professeur Denise : cela te va-t-il ?

— Il le faut bien, répond Denise.

Et sur ce compromis, qui fait le compte de Liette, les deux sœurs s’installent derrière leur écritoire.