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CYRANETTE

— Pas de fauteuil, non, merci. Une chaise cannée, comme tout le monde.

Et ce n’est pas humilité chrétienne, mais bien plutôt point d’honneur de chanoine honoraire et… quinquagénaire, qui n’entend faire aucune concession à son léger embonpoint. Plus maigre ou plus douillet, il ne se gênerait pas pour occuper ce siège de sybarite. Chez les Daliot, n’est-il pas chez lui ? Mieux que chez lui où, de propre aveu, il doit compter avec le despotisme ancillaire d’une vieille gouvernante quinteuse et tatillonne.

L’abbé Divoire, curé de Saint-Pierre de Maché, à Chambéry, cousine avec Mme Daliot. À les voir, l’un déjà grisonnant, l’autre si fraîche encore, on ne dirait pas qu’ils sont du même âge, à quelques années près. Quand ils étaient jeunes, leurs parents logeaient porte à porte, rue de Derrière-les-Murs, une antique venelle, tout ce qu’il y a de plus honnête, mais d’assez pauvre aspect, étranglée entre de maussades bâtisses archiséculaires et les lourds contreforts du château. Leur amitié a pu évoluer ; elle n’est pas moins cordiale et sûre qu’en ce bon temps-là. Et, si Mme Daliot marque aujourd’hui tant de déférence à l’abbé, si elle lui dit « monsieur le curé » comme son mari et ses filles, c’est par respect pour l’habit qu’il porte et qui évoque nécessairement son ministère. Lui, au contraire, ne continue à voir en elle que la cousine et il l’appelle par son prénom comme autrefois. M. Daliot n’a garde de s’en formaliser. Se formaliser, mon Dieu, et pourquoi ? Le prêtre qui a béni son mariage, puis qui a baptisé et fait communier ses enfants, ce bon prêtre-là n’est-il pas doublement de la famille ? Qu’on l’accueille à bras ouverts, c’est tout naturel. On est d’ailleurs dans l’hospitalière tradition des Savoisiens, pour qui tout visiteur est comme un invité.

Sans être douillet, l’abbé Divoire n’en aime pas moins ses aises. Pasteur d’une populeuse paroisse,