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qui a su gagner le cœur de Mr. Wellstone ? Tel est le cas de conscience que tu dois résoudre.

Émue aussi, mais pas assez profondément pour faire bon marché de son dépit, Liette ne cède pas au généreux élan qu’espérait le prêtre.

— Mais il est tout résolu, monsieur le curé, répond-elle d’une voix qui s’altère insuffisamment à son gré et en versant des larmes un peu rétives. Robert nous a vues toutes les deux. Il a fait son choix. Ce n’est pas ma faute, à moi, s’il m’a donné la préférence sur Nise.

Elle a tiré son mouchoir, elle aussi, et elle s’y enfouit la figure. Paternellement, l’abbé Divoire lui tapote la joue.

— Allons, allons, remets-toi, mon enfant. Il t’a préférée, dis-tu ?

— Mais oui. N’est-ce pas moi qu’il a agréée comme marraine dès le premier jour ?

— C’est Nise qui lui en a servi effectivement.

— En mon nom. Et quel portrait lui a-t-on envoyé ? Le mien !

— Oui, tout cela est bien compliqué, concède le prêtre. Vous avez, Nise et toi, contribué toutes deux au sentiment de votre cher Robert. Toi, par ta jolie frimousse espiègle et ta grâce primesautière — suis-je assez franc, hein ? je ne te l’envoie pas dire, — elle, par la tendresse qu’elle a su mettre dans ses rapports épistolaires avec lui. S’il s’agissait d’un coup de foudre, je n’hésiterais pas à t’en attribuer tout le mérite. Mais, mon enfant, c’est peu à peu que l’amour a éclos, puis grandi dans ce cœur d’homme, et seulement dans la mesure où Mr. Wellstone se pénétrait de ces pages que la sœur pensait intensément avant de les écrire. Car, s’il ne lui avait rien inspiré à elle-même, aurait-elle pu lui faire de si belles lettres ?

— Permettez, monsieur le curé, objecte Liette, sans trop se soucier d’être tout à fait sincère et véridique. Ces belles lettres-là, je les lui dictais quelquefois. Et, en tout cas, si Nise aime Robert