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il rompre le fer ou l’engager à fond ? Il lanterne, tergiverse et tâtonne, sans se décider. Liette est comme lui, sur des charbons ardents, mais elle réagit. Elle s’était levée. Elle se rassied. Elle était sérieuse. Elle se fait câline et persuasive.

— Non, n’est-ce pas, ce n’est pas possible ? Votre petite Liette, vous ne voudriez pas lui causer un tel chagrin.

— Entendons-nous, mon enfant, dit le prêtre. Et d’abord es-tu sûre que ce parti te convienne ?

Liette évite de répondre directement.

— Alors, c’est vrai ? fait-elle d’un doux ton de reproche. Mr. Wellstone a cessé de vous plaire ?

— Qui te parle de ça ?

— Mais vous, je suppose, monsieur le curé. Si Robert gardait toute votre estime, est-ce que vous m’infligeriez une question pareille ?… Et qu’a-t-il fait pour encourir cette disgrâce ? soupire-t-elle sans s’arrêter au geste de protestation du prêtre. Que lui reprochez-vous ? Ce n’est pas, j’espère, de ne pas être mort pour de bon ?

L’abbé a tiré son sempiternel mouchoir à carreaux, dont il s’éponge frénétiquement. Il ouvre la bouche, mais Liette ne le laisse pas parler.

— Non, poursuit-elle, et je ne devrais pas dire ça, ce n’est pas bien. N’avez-vous pas été le premier à faire son éloge quand nous pensions ne jamais le revoir ? Vous le considériez comme une nature d’élite, un noble cœur, un excellent garçon. Je vous avais fait lire ses lettres, rappelez-vous. Son âme, à chaque ligne, y transpirait ; le mot n’est pas de moi, mais de vous.

— Et je ne me dédis pas, Liette.

— Vous voyez bien !… Ah ! monsieur le curé, s’écrie pathétiquement la jeune fille, quand on est juste comme vous l’êtes, comment ne lui rendrait-on pas justice ?

— N’ayant pas changé d’opinion sur son compte, mon jugement lui est toujours aussi favorable. Je dirai même que le danger qu’il a