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brables invitations, se prodiguer, redire mille et mille fois les fabuleuses circonstances du drame qui la pose en héroïne. Et le plus curieux, c’est qu’en dépit du surmenage qui en résulte pour elle, elle ne se fatigue pas de cette vogue extraordinaire. Sa maman, qui la chaperonne, en a les jambes rompues et la tête cassée. Et Nise, tout en ne se réjouissant pas peu de l’heureuse nouvelle, s’arrange pour rester à la maison où il y a beaucoup à faire. Mais Liette, elle, n’a qu’un regret : c’est d’être en peine de trouver le temps d’aller voir M. le curé. Dieu sait pourtant quelle curiosité il a éveillée chez elle avec tout son mystère !

— Que peut-il bien avoir à me dire en particulier ? ne cesse-t-elle de se demander.

Enfin, n’y tenant plus, elle décide de prélever une heure sur ses obligations purement mondaines. Il lui reste de nombreuses visites à faire en effet et Mme Daliot, complètement fourbue, doit renoncer à l’accompagner. C’est le moment de s’échapper. Rose, excitée, elle escalade la butte de Maché et sonne à la grille du jardinet curial.

Agathe, plus revêche et bougonne que jamais, la reçoit sans aménité. Impavide, la future Mrs Wellstone ne se laisse pas désarçonner pour si peu.

— Oui ou non, M. le curé est-il là ? insiste-t-elle.

— Je ne sais pas.

— Vous devriez savoir, ma bonne, réplique Liette, et avec tant d’assurance et de netteté que la vieille se le tient pour dit,

Perdant pied, Agathe patauge piteusement :

— Je vas voir, ma petite demoiselle. Entrez toujours et prenez la peine de vous asseoir en attendant.

Liette se mord les lèvres pour ne pas rire aux éclats de la déconfiture de sa redoutable adversaire. Plus tard, quand elle sera maîtresse de maison, si elle a le malheur d’avoir des domestiques