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chacun en est informé et tout le monde en parle comme d’un événement sensationnel.

Dans l’infortune, Liette goûtait une sorte de plaisir amer aux condoléances des uns et des autres ; il lui paraissait presque doux d’être considérée elle-même comme une victime, d’être plainte en conséquence, de deviner que l’on disait entre soi :

— Juliette Daliot n’a vraiment pas de chance.

— Croyez-vous, ma chère ? Au moment d’épouser un gentleman, le perdre à la guerre, elle doit en avoir le cœur fendu.

Mais si toute cette mélancolie avait son charme, ce charme même n’était qu’une compensation négative et que l’on ne saurait comparer aux avantages substantiels d’une situation rétablie comme par enchantement, à la suite d’une aventure romanesque.

Or, quoi de plus romanesque que l’aventure de Liette ?

Pleurer à chaudes larmes un fiancé que tout le monde croyait trépassé ; puis, un beau matin, alors que l’on commence à réagir contre sa douleur — pour ne pas faire comme Nise, en train de tourner au bonnet de nuit, — apprendre de but en blanc qu’il y a maldonne, que le prétendu mort se porte sinon comme un charme, du moins assez bien pour que son entourage réponde de lui, assurément voilà qui sort de l’ordinaire !

Que dis-je ! Rien de tel pour vous mettre en vedette et vous donner de l’importance à un degré que le plus franc succès, au mieux réussi des concerts de charité, ne pouvait suffire à vous conférer.

Ce n’est plus seulement de la sympathie que les amies et connaissances de Liette lui témoignent. Elle est partout l’objet d’un accueil suprêmement flatteur. On s’engoue positivement d’elle dans les salons chambériens où l’on ne conçoit plus de réception possible sans sa présence. Pour un peu on se l’arracherait. Il lui faut répondre à d’innom-