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après l’autre. Far quelle fatalité est-il parvenu à destination huit jours plus tard ? La faute en est probablement à la censure qui aura laissé passer la première missive et retenu la seconde.

— Eh bien ! eh bien ! ne peut que répéter M. le curé. Ce n’est plus aux Sévigné que nous jouons, c’est aux Balzac !

Nouveau Lazare, Robert Wellstone n’est-il pas ressuscité d’entre les morts, comme cet infortuné colonel Chabert dont l’auteur de la Comédie humaine évoqua si puissamment l’atroce odyssée ?

En proie à une agitation qui ne se calme pas, le prêtre arpente son cabinet. S’il s’écoutait, il retournerait rue Nézin, sonnerait chez les Daliot, n’attendrait pas une minute de plus pour leur faire part de la miraculeuse nouvelle. Mais il réfléchit que les trop grandes joies, tout comme les trop grandes peines, peuvent être fatales aux cœurs sensibles. Et, puisque le mal est fait, il reste à ne pas l’aggraver inconsidérément.

À la réflexion, il décide donc de ne rien entreprendre avant demain. La soirée s’avance, d’ailleurs, et, s’il s’avisait de ressortir sans y être absolument contraint par les charges de son ministère, Agathe aurait de nouveaux griefs à faire valoir contre la Croix-Rouge italienne, coupable de provoquer de tels dérèglements. Aussi bien la nuit porte-t-elle conseil. Et quand, tombé à genoux, M. le curé a dit avec ferveur ses prières, déjà il entrevoit la main de Dieu dans l’aventure inouïe où il se trouve mêlé.

« Que serait-il arrivé si Mr. Wellstone avait vécu ? » demandait-il naguère à Nise. La question va se poser dans toute son acuité. Mais ne peut-on pas se demander également ce qui serait arrivé si l’officier n’avait pas eu cette crise de catalepsie et si l’on n’avait pas cru à sa mort ? La réponse est simple. Lui, M. le curé, n’eût point surpris le secret de Nise. Partant, il n’eût point rempli son devoir de directeur de consciences. Au lieu que,