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je le sais — tu aimais Mr. Wellstone. Que fût-il arrivé et qu’eusses-tu fait s’il avait vécu ?

Dans la paix du parc doucement enténébré, M. le curé recueillit un soupir qui n’alla pas plus loin que Nise et lui.

— Oui, reprit-il, tu n’aurais rien dit. Tu aurais, par ton silence et ton effacement, essayé d’assurer le bonheur de Liette et de Robert, comme Cyrano celui de Roxane et de Christian. Mais ce bonheur, mon enfant, il ne dépendait pas que de toi. Il dépendait pour le moins autant de lui et d’elle. Franchement, crois-tu que deux jeunes gens dont l’union procède d’une telle équivoque puissent être tout à fait sûrs de leur avenir ?…

Mais M. le curé se tut.

À côté de lui, jugulée par un mouchoir, râlait la plainte sourde d’une gorge battue de sanglots. Et ce soir-là encore on s’est quittés bien tristement. Seule Liette, par intermittences, se reprenait à rire et à caqueter sans rime ni raison. Un perpétuel besoin de joie et de distraction la possède. S’il lui fallait vivre dans le recueillement d’un cloître, elle n’y résisterait pas. Et on l’étonnerait bien en lui disant que son babil, plutôt fatigant à la longue, avive la peine de Nise qui, pour sa part, n’aspire qu’au silence et à la solitude.

M. le curé remonte sa lampe et cherche son binocle pour lire la lettre de la signora Bellovici. Or, dès les premières phrases, il a un tel haut-le-corps que la feuille lui échappe des doigts et qu’il esquisse le geste machinal de l’homme qui se demande s’il est bien éveillé. Mais non, il ne rêve pas. Il a beau se frotter les yeux, essuyer fébrilement ses verres, quand il rapproche la lettre de la lampe, il lui faut bien se rendre à l’évidence :

« Monsieur le curé,

« Un mot en hâte.

« Contrairement à ce que je vous mandais hier, Mr. Robert Wellstone n’a pas succombé à sa bles-