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jours-ci, il y est allé tous les soirs, afin de remonter un peu le moral de leurs filles. Et, à part lui, il doit convenir qu’en ce qui concerne Juliette il n’y a pas trop mal réussi et donc qu’Agathe n’avait pas tout à fait tort.

C’est curieux comme elle rebondit, cette petite, comme elle passe facilement d’un état d’âme à l’autre, comme le sourire a vite fait de percer à travers ses larmes ! Naguère abattue, on la sent déjà résignée à l’inéluctable. Tandis que Nise, le coup l’a bel et bien frappée au cœur, et M. le curé craint fort qu’elle ne s’en remette jamais.

Lui se reproche son aveuglement. Dire qu’au reçu de l’affreuse nouvelle, il songeait à Nise pour y préparer Liette ! Dire qu’en la voyant tomber comme une masse, il n’entendait encore rien à son cas ! Mais, tout d’un coup, ses yeux se sont dessillés. Il a fini par deviner le cher et cruel secret de la pauvrette. Il a lu à livre ouvert dans ce petit cœur meurtri, dont la plaie continue de saigner atrocement. Moins avertis, M. et Mme Daliot s’en tiennent aux eaux de la Bauche. Comment soupçonneraient-ils la vérité et qu’un étranger venu de si loin, et tout aussitôt disparu de leur ciel comme ces rapides oiseaux migrateurs qui le traversent au printemps, a emporté l’âme et la pensée de Nise ?

Liette, oui, on comprend qu’elle ne soit pas demeurée indifférente au trépas de Robert, qu’elle en ait éprouvé beaucoup d’émotion, beaucoup de regret, beaucoup de chagrin. Même il eût été malséant qu’elle en accueillit trop légèrement la nouvelle et qu’on ne la vit pas, pendant quelques jours, dolente et morne, comme une fiancée qui a perdu son fiancé.

Mais vous, Nise, en quoi vous concerne-t-il, ce grand malheur ? Robert, qu’était-il pour vous ? Étiez-vous sa sweetheart ? Vous ont-il emmenée en Angleterre, dans ses paisibles South-Hams du Devonshire, où il fait si bon vivre de la vie pure et