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Deuxième partie

I

— Le facteur est passé, Agathe ?

Agathe continuant de vaquer rageusement à son ménage, M. le curé, rompu de longue date à ses lubies, répète la question avec cette patience angélique qui fait sa force.

— Agathe, je vous demande s’il n’y avait rien au courrier du soir pour moi ?

La gouvernante, cette fois, daigne répondre… Sur quel ton, Seigneur !

Si fait, il y avait quelque chose au courrier : une lettre. Mais cette lettre-là, « on » a bien failli la jeter au feu quand « on » a vu d’où « ça venait ». Point n’est besoin, en effet, de la décacheter pour deviner de qui elle émane, puisque l’enveloppe, estampillée au chiffre de la Croix-Rouge d’Italie, porte dans un coin ce nom et cette adresse :

Bianca BELLOVICI,
Infirmière bénévole.
ambulance no 17 — S.P. 243.

Et tout s’explique en somme : l’humeur massacrante d’Agathe, comme ses réflexions acrimonieuses et ses gestes saccadés.

La semaine dernière déjà, une lettre identique n’a-t-elle pas troublé la paix relative du presbytère ? Au reçu de cette première lettre, M. le curé ne s’est-il pas mangé les foies et tourné les sangs, plus peut-être que si on lui avait annoncé le jugement dernier ? Cela, Agathe ne peut le pardonner