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IX

— Denise…

— Monsieur le curé ?

— Tu as les yeux rouges, mon enfant, constate un matin l’abbé Divoire qui vient d’arriver, à l’improviste, rue Nézin, en l’absence de Liette et de M. et Mme Daliot. On dirait que tu as pleuré.

— Vous aussi, monsieur le curé.

En proie à une émotion qu’il dissimule mal, le prêtre n’a plus, en effet, sa figure épanouie et joviale des bons jours. Il est grave, soucieux, et il toussote, et il se mouche, comme en peine d’une contenance.

— Non, murmure-t-il, pas moi, car je n’ai plus de larmes à répandre depuis la mort de ma pauvre mère. Pourtant, je t’assure que j’ai le cœur gros aujourd’hui… Mais parlons de toi. Qui est-ce qui t’a fait de la peine, ma petite ?

— Personne, monsieur le curé.

— Ne te dérobe pas. Je ne suis pas aveugle. Tu as quelque chose, c’est certain.

— Non, rien, je ne sais pas.

— Tu me rassures… Mais, dis-moi, reprend le prêtre au bout d’un temps, ta sœur n’est pas là ?

— Elle vient de sortir avec maman.

— Seront-elles longues à rentrer ?

— Je ne crois pas. Liette s’était commandé un chapeau. Elle le décommande.

— Ton père non plus n’est pas à la maison ?

— Non, monsieur le curé, il n’y a que moi.

— Je vais attendre, décide l’abbé.

Fébrilement, il arpente le tapis du boudoir, puis il se met au balcon. C’est samedi, jour de marché. Par la route de Lémenc, en longue file hiératique, processionnent de lourds chars paysans : les