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— Si Mr. Wellstone se convertit, parfait ! On s’entendra sans peine. Sinon, dame, ce sera plus difficile…

— Bien, monsieur le curé, répond tranquillement l’imperturbable Liette, j’en fais mon affaire.

— Oui, oui… nous ne sommes plus en temps de paix. Il faut être « large ». Mais si l’un de vous deux doit faire des concessions sur ce chapitre, autant que ce ne soit pas toi.

En réalité, le brave homme n’est pas sans inquiétude. Sur son conseil, avant que les jeunes gens ne se soient formellement engagés, M. Daliot, en répondant à l’officier, a fait allusion à leurs confessions respectives. S’y serait-il pris maladroitement et Mr. Wellstone, blessé au vif de ses susceptibilités religieuses, lui en garderait-il rancune ? Mr. Wellstone n’a plus récrit en tout cas. Et le temps passe, et Liette se met à bouder aussi de son côté. Piquée, elle entend demeurer sur ses positions et ne veut pas que Nise fasse des avances. La correspondance chôme donc de part et d’autre, et M. le curé en tire d’assez fâcheux augures. Il n’y a pas que lui. Que dire de Nise ?

Tous les matins, à l’heure du courrier, dès que le facteur s’engage dans le couloir du rez-de-chaussée où les locataires ont leurs boîtes à lettres, la pauvre enfant dégringole quatre à quatre les deux étages de l’escalier. Et, chaque fois qu’un sourd grondement signale un train venant de Modane, c’est une nouvelle émotion, elle se précipite à la fenêtre. Le train franchit le passage à niveau de la rue Nézin avant d’enfiler la profonde tranchée du pare. Pressés aux portières pour ne rien perdre de l’admirable point de vue qu’offre l’entrée de la ville, les voyageurs entrevoient la silhouette quasi-aérienne de cette jeune fille qui se penche à son balcon. Et il y en a qui lui sourient en agitant galamment la main. Elle n’en a cure, le regard tendu vers ces figures inconnues qui défilent rapidement dans son champ de vision, cherchant,