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copie ne respecte que jusqu’à un certain point l’original, dont le ton et la tournure ne lui plaisent pas et ne plairaient certainement pas non plus à Robert. Ces phrases frivoles, ce ton léger et suffisant contrasteraient trop avec les belles lettres graves et affectueuses de l’officier et avec celles, si simples et si touchantes, où Denise n’a jamais mis que ce qu’elle a de meilleur. Et ce n’est pas ce qui lui coûte le plus, mais d’avoir à joindre à l’envoi le portrait de Liette. Encore a-t-elle eu soin également d’en modifier la dédicace au préalable.

L’inconscience de sa sœur torture la pauvre enfant qui se voit prise dans un engrenage où il lui faudra passer tout entière. Mais qui soupçonne son mal ! Qui donc y compatit ? À qui confier son cas et demander aide et conseil ? À M. le curé ? Oui, peut-être, car il est bon et compatissant. Pourquoi ne s’y résout-elle pas ? Craindrait-elle qu’il ne prît pas la chose au sérieux ?

Quoi qu’il en soit, les jours suivants, alors que son chagrin va empirant et qu’elle n’est plus toujours en mesure de le cacher, au point que M. et Mme Daliot commencent à s’inquiéter de sa mauvaise mine, de son peu d’appétit et de ses silences, Liette continuera de ne s’apercevoir de rien. Et comment s’apercevrait-elle de quelque chose ? Tout lui sourit, à elle ; tout lui réussit, et elle est tout à la joie de son triomphe. Elle a fait voir à ses parents la photo du lieutenant et, maintenant, elle se complaît à la montrer à ses amies et connaissances. On l’en complimente tellement. De l’avis unanime, l’officier est beau garçon et marque bien. M. le curé, lui-même, appelé à se prononcer, convient de la chose et que Mr. Robert Wellstone pourra faire un excellent mari.

— À quand vos noces ? demande-t-il à l’intéressée. Pour après la guerre, je présume ?

— Pourquoi pas aux calendes ? dit Liette.

— Tu es bien pressée de nous quitter, ma petite, fait observer Mme Daliot.