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reste. Les lettres n’ont jamais été mon fort, dit gaiement Liette, enchantée de son jeu de mots.

Denise, elle, ne rit pas. Elle souffre du puéril verbiage de sa cadette, qui bâtit déjà force châteaux de cartes :

— Quand nous serons mariés, tu sais, je compte bien ne pas prendre racine en Angleterre. Tu viendras nous voir et nous retournerons souvent en France. J’aime tant les voyages ! Surtout par eau ! La mer ! Tu te rappelles l’été que papa nous a emmenées à Nice ? Cette Méditerranée, c’est si beau ! Enfoncé, Aiguebelette !… J’attendrai la fin de la guerre, par exemple. Nous vois-tu torpillés loin de la côte ? Sans doute, il y a les canots et les ceintures de sauvetage. Tout de même, je ne m’y fierais qu’à moitié.

Sur cette réflexion judicieuse, Liette se décide à prendre la plume. Pendant quelques minutes, elle la laisse courir et l’on n’entend plus que son léger grincement sur le papier. Nise attend, mal à l’aise, pleine d’inquiétude. Que sera-ce quand Liette, très fière de son improvisation, lui en donnera lecture ?

« Très cher Robert,

« Merci, mille et mille fois, pour votre portrait, qui est on ne peut mieux réussi. Denise l’admire comme moi et est d’avis qu’il ne pourrait être plus ressemblant, ni plus vivant. Aussi vais-je m’empresser de lui donner un joli cadre pour le mettre sur ma cheminée, avec ceux de papa et de maman.

« Votre aveu ne m’a pas fait moins plaisir. Je suis ravie de la bonne opinion que vous avez de moi et du sentiment que je vous inspire. Sentiment réciproque, rassurez-vous, très cher Robert. Si j’occupe une petite place dans votre cœur, croyez que vous en occupez une bien grande dans le mien.

« Il y a, il est vrai, nos familles. Mais je ne crois pas que nous ayons à craindre qu’elles contrarient nos projets. Ou je me trompe fort ou mes parents