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— Trop sérieux, Liette. Je ne sais plus comment faire. Tu dois comprendre mon embarras.

Liette réfléchit. Elle ne réfléchit pas souvent, mais ses méditations lui réussissent presque toujours.

— Oui, convient-elle. Peut-être n’aurais-je pas dû te passer la main. Il est temps, grand temps d’aviser.

Ce préambule ne rassure pas précisément Denise, mais Liette, elle, est pleine de confiance en soi.

— Ne te tourmente pas, va ! dit-elle, d’un petit ton protecteur. Tout s’arrangera : je vais y mettre bon ordre. Une réponse tapée. Sur brouillon, s’entend, à cause de l’écriture. Tu recopieras. Et, puisqu’il réclame mon portrait, à cor et à cri, eh bien, soit, je le lui bombarde ! Que veux-tu ? Il m’envoie le sien. Donnant, donnant, c’est bien son droit. Justement, j’ai une assez bonne épreuve qui a été prise le jour de notre fête de charité. Il ne s’en plaindra pas ou alors c’est qu’il est bien difficile. Tu mettras, en manière d’hommage : « À mon cher Robert. — Lovingly ».

Voilà bien ce que craignait Denise. Avec Liette, c’est tout l’un ou tout l’autre, l’indifférence ou l’emballement : il n’y a pas de milieu.

— Ne crains-tu pas… ?

— Quoi ?

— Mais… que ce soit excessif ?

— Excessif ! quelle idée, Nise ? Je lui plais, il me plaît, il s’est déclaré : pourquoi tant de façons entre nous ? Si tu crois que papa et maman seront fâchés ! Notre dot n’est pas si lourde vingt malheureux billets de mille ! Et c’est un riche parti qui s’offre là, un parti inespéré. Songe, chérie, ces officiers anglais, mais ce sont tous fils de famille et cousus de bank-notes ! Et quelle éducation ! Quelle distinction ! Quelle élégance ! Robert surtout. Puis, il sait le français et il l’écrit presque aussi bien que moi. Il n’a pas de mal, du