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une autre jeune fille viendrait dire tout à trac : « Pardon, pardon, c’est moi qui vous ai écrit, c’est donc moi que vous connaissez et que vous aimez. »

L’imbroglio, si étourdiment noué, il ne dépend plus d’elle à présent de le dénouer. Il lui apparaît tel qu’il est, inextricable. Sous l’affligeante conviction de son impuissance, Denise songe à demander conseil aux maîtres de la littérature qui ont bien dû imaginer une situation analogue à la sienne et y apporter remède. La bibliothèque de M. Daliot hospitalise les meilleurs romanciers et les meilleurs dramaturges. C’est le moment de la mettre à contribution. Avidement, la jeune fille feuillette dix volumes, vingt volumes, tant de volumes qu’elle y gagne une violente migraine. Mais c’est tout ce qu’elle y gagne. Il y a bien une pièce de théâtre dont un des personnages se trouve à peu près dans son cas : Cyrano de Bergerac. Seulement Cyrano ne lui peut suggérer que l’héroïque et fatal recours du silence :

Ah ! que pour ton bonheur je donnerais le mien…
Quand même tu devrais n’en savoir jamais rien.

Mélancoliquement, elle répète les vers sublimes et elle se demande avec désolation :

— Est-ce donc cela qui m’attend ? Devrai-je me sacrifier, moi aussi, et n’être qu’une malheureuse Cyranette ?