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« N’oubliez pas que j’attends un accusé de réception à ma lettre d’avant-hier. Et surtout, surtout, par retour, votre chère photographie… »

Sa lecture achevée, Denise prend le portrait de l’officier et le contemple longuement. Et voici que deux larmes glissent le long de ses joues. Car il est dans son cœur comme devant ses yeux, et un remords lui vient du rôle qu’elle n’a pas craint d’assumer. À quel étrange, à quel fatal malentendu aboutit l’innocent subterfuge des deux sœurs, se substituant l’une à l’autre pour écrire à Robert et le laissant ensuite dans l’erreur ? Denise se voit prise à son piège. Quelqu’un l’aime, qu’elle aime aussi. Mais cet amour qu’elle a fait naître ou qui du moins, sans elle, ne se fut pas déclaré, ce grand amour si probe et si confiant, il ne va pas à elle, mais à Juliette. Et il demande réponse ! Cette réponse, peut-elle prendre sur elle de la faire, une fois de plus, au nom de sa cadette ! Le moment n’est-il pas venu de s’expliquer ? Mais, s’expliquer, est-ce possible ? N’est-il pas trop tard ? Quel effet une telle révélation produira-t-elle sur Robert ? Que pensera-t-il d’un tel expédient ? Et que lui dire, mon Dieu, que lui dire ? Ceci, peut-être, pour commencer :

« Comme vous, mon cher Robert, j’ai un gros aveu à faire, un aveu que je suis bien coupable de ne pas avoir fait plus tôt. Vous croyez correspondre avec ma sœur Juliette. Or, en réalité, c’est moi, Denise, qui vous ai toujours écrit. C’est donc moi également qui…

Mais non ! Elle ne voit pas de suite acceptable à cet exorde déjà baroque. Elle imagine la surprise, la douleur, le courroux de Robert, se croyant joué, renonçant à lire le reste et brisant là. Dame ! quel pourrait être l’état d’esprit d’un garçon qui se serait persuadé qu’il aime une jeune fille et à qui