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truites ? Vos arbres fleurent-ils la résine, et vos landes le thym et la bruyère ? Les soirs d’hiver, quand le vent pleure et hurle, ou que la pluie bat les tuiles sonores du toit, avez-vous de ces douces réunions qui rassemblent tour à tour le voisin chez le voisin, dans le sitting-room, où le thé fume sur la grande table nappée de frais, avant que la veillée ne commence aux chants et aux jeux des jeunes et aux soupirs attendris des vieux ? Et le dimanche, après le sermon, dans la détente bienfaisante des âmes et des corps, entend-on l’allègre carillon des cloches paroissiales ? Et, quand reviennent les beaux jours, à la brune, par les sentes discrètes, entre les haies de chèvrefeuilles et d’églantiers, les fiancés s’en vont-ils amoureusement vers le petit oratoire qui se cache sous la charmille comme un nid du bon Dieu ?

« Si vous saviez, ô Liette, si vous pouviez seulement savoir comme elle est pure et simple et belle, notre vie de gentlemen-farmers, là-bas, dans les « South-Hams » du Devonshire ! J’ai passé par le collège d’Exeter, notre chef-lieu de comté et qui est une très vieille ville, fameuse par le grand nombre et l’ancienneté de ses églises, quoique tout à fait « fashionable ». Mais ni Exeter, ni Devonport, ni Darmouth, ni Plymouth même, ni en vérité quelque autre ville que ce soit du comté, — qui est bien le plus pittoresque et le plus savoureux de tous les comtés anglais — ne vaut notre cher petit Sidmouth, et son ciel si clément, et ses environs si charmants, où le myrte pousse en pleine terre et où les champs rejoignent les grèves. C’est là que je me promets de vous conduire, ô mon âme ! Là que prient pour moi mon père, ma mère, mes sœurs, dont vous serez tout de suite aimée…

« À demain, Liette, je suis obligé de vous quitter. L’ennemi s’agite. On m’appelle à la batterie, où nous devons toujours être prêts pour la riposte comme pour l’attaque.