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qu’elle reste ! Elle ne s’ennuiera pas chez nous. Elle aime tant lire !

— Et écrire ! ajoute perfidement Liette. Imaginez, monsieur le curé, que mon filleul et elle entretiennent une correspondance en règle.

Denise rougit comme une coupable et baisse les yeux. Heureusement, M. le curé se retourne vers Liette.

— Ton filleul ?… Qu’est-ce à dire ? Tu es donc marraine aussi, toi ?

— Mais oui ! Vous vous rappelez bien. Cet officier anglais que j’ai présenté à papa et à maman, sous le hall de la gare, le soir des Tommies. Un gentleman, Mr. Robert Wellstone du Royal Artillery. Il m’a envoyé des cartes d’Italie. Je n’avais pas le temps de lui répondre à cause de notre fête de charité. Nise m’a servi de secrétaire, n’est-ce pas, Nise ?

L’interpellée demeure lèvres closes. De nouveau, elle se sent rougir jusqu’à la racine des cheveux.

— Tiens ! tiens ! dit ironiquement l’abbé. Et ça continue ?

— Il faut bien.

— Tu m’en diras tant ! Si l’on joue aux Sévigné, à Dieu ne plaise que j’insiste.

Et au soulagement de Denise, qui est sur les épines, on change de conversation.

Le lendemain matin, dès l’aube, grand branle-bas, rue Nézin. Debout la première, Liette s’empresse de jeter un coup d’œil par la fenêtre et laisse échapper un petit cri désenchanté. Le ciel, si pur la veille, est nuageux ; l’air, frais ; la montagne, nimbée de vapeurs.

— Flûte ! Le Nivolet a son bonnet !

En saut-de-lit, ses deux longues nattes ramenées sur sa gorge comme un « tour de cou », la jeune fille va frapper à la porte de ses parents qui couchent dans une chambre contiguë à la chambre des deux sœurs.