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V

Le 7 juillet de ce tragique été 1917, les Daliot dînèrent au presbytère. Il faisait si beau que l’on avait dressé la table dans le jardinet curial, sous un pêcher taillé en tonnelle et dont les branches, alourdies de fruits presque mûrs, retombaient autour des convives sans trop voiler la douce lumière du jour finissant.

Tout en savourant les petits plats d’Agathe, gouvernante bougonne mais excellent cordon-bleu, on ne laissa pas de babiller beaucoup d’un bout à l’autre du repas. Liette plus que tout le monde, comme chaque fois qu’il n’était question ni d’histoire régionale ou locale, ni d’archéologie ou de géologie, thèmes ingrats qui l’inspiraient médiocrement et qu’elle écoutait sans aucune espèce d’indulgence. Que la catastrophe du Granier ait été causée, comme y tient son père, par des infiltrations souterraines, consécutives aux fontes des neiges ou par une forte secousse sismique, comme l’assure avec autant de conviction M. le curé, qu’est-ce que cela peut bien lui faire en vérité ? Et il lui est non moins indifférent que le crochet de fer de l’antique rue du Sénat soit ou ne soit pas le même où le guet, au bon vieux temps, fixait la chaîne qui barrait chaque soir la rue Juiverie. Parlez-nous d’une excursion à Aiguebelette ! Cela, oui, à la bonne heure ! Surtout si le programme comporte une heure de canotage sur le lac, avant d’aborder l’escalade du Crucifix, par la vieille voie romaine — Via romana, comme dit l’archiviste — qui serpente jusqu’au col si haut perché. M. le curé sait ramer, père aussi, et leur prudence répond de la sécurité générale. Avec