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Liette lance un petit éclat de rire sarcastique.

— Eh bien, non, franchement, ça ne me plaît pas, filleul !… Est-elle assez baroque, sa carte, dis donc, Nise ?… Honorée petite marraine ?… Pourquoi pas « gente princesse » ou « haute et très gracieuse demoiselle », pendant qu’il y est ?… Et puis, cette façon impersonnelle de vous faire ses compliments, est-ce assez froid, assez correct, assez english ?…

Denise s’enferme dans un silence plein d’agitation, tandis que Juliette, d’un geste distrait, laisse choir la carte dans un casier, sur le guéridon de sa chambre, une délicieuse chambrette de jeune fille à lits jumeaux et à tentures blanches et roses, que se partagent les deux sœurs et où elles se retirent en grand mystère chaque fois qu’elles ont quelque chose à se confier.

Cinq minutes se passent. Liette, retournée devant l’armoire à glace, se reprend à minauder en fredonnant son cher refrain :

Qu’il est gentil,
Mon p’tit pioupiou !
C’est mon chéri !
C’est mon bijou !…

— Tu ne lui réponds pas ? risque timidement Denise.

— À qui ?

— Mais à Mr. Wellstone, sans doute.

Liette se récuse d’un mouvement plein de dignité qui ferait sourire Denise en d’autres circonstances.

— Comment veux-tu ? Il y a répétition générale cet après-midi, il faut bien que je m’apprête… Je sais : notre comité et toi, ça fait deux. Tu es si drôle ! Qu’est-ce qui t’empêche d’en être ?

Renonçant à justifier son abstention, Denise se renfonce dans une de ces rêveries qui, depuis quinze jours, font dire à ses familiers qu’elle est toujours dans la lune. Et la journée se passe pour