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forme d’un immense point d’interrogation. Mr. Robert Wellstone s’est engagé à écrire à Liette. Tiendra-t-il sa promesse ?

Les premiers jours, quand Nise se posait la question, c’était pour y répondre par l’affirmative, et cette assurance n’était pas exempte d’une légère amertume. Puis, rien ne venant, pas une carte, pas un mot, le doute s’en est mêlé et dans son bon petit cœur, craintif et tendre, l’appréhension fait place à une espèce d’anxiété qui s’avive de plus en plus. Il n’y a là, du reste, rien de contradictoire. Après avoir vaguement redouté un flirt entre sa sœur et Mr. Robert Wellstone à la faveur de leur correspondance de filleul et de marraine, maintenant c’est le silence ambigu de l’officier qui lui fait peur. Que signifie-t-il et comment l’interpréter ? Mr. Robert Wellstone n’a pu se moquer. Nise ne le connaît guère, mais elle ne lui ferait pas l’injure d’un tel soupçon. Alors ?…

L’imagination de la jeune fille s’enfièvre et lui représente toutes les calamités susceptibles de s’abattre sur un combattant. C’est bien toujours le même état d’âme, puisque c’est bien toujours vers l’officier que se tend sa pensée. Mais d’où vient qu’elle porte un si vif intérêt à cet étranger avec qui elle n’a pas échangé dix phrases et qui, en ce qui la concerne, ne s’est mis en frais d’aucun engagement ? Que ne prend-elle exemple sur Liette, chez qui un clou chasse si bien l’autre que le nom même de Mr. Robert Wellstone ne revient plus dans ses conversations ? Jusqu’à quel point il est déjà oublié d’elle, on ne le soupçonnerait pas !

Les Daliot ont leur boîte à lettres dans le couloir commun du rez-de-chaussée et c’est généralement Nise qui se charge d’aller y prendre le courrier après le passage du facteur. Or, un matin, elle en retira un pli dont l’adresse, le timbre, l’écriture lui causent une émotion qui n’est pas encore dissipée quand, ayant regrimpé l’escalier quatre à quatre, elle hèle sa sœur :