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souvenir nostalgique de leur brève entrevue. Mais d’autres éléments n’entreraient-ils pas dans le sentiment complexe qui la trouble mystérieusement ?

Les façons de sa sœur l’ont quelque peu peinée et cette peine, qui devrait s’apaiser, s’aggrave plutôt à la longue. Évidemment, Juliette n’est pas, comme elle, une pauvre brebis sentimentale, condamnée à laisser de sa laine à toutes les ronces de la route. Avec la bonne opinion qu’elle a d’elle-même, elle ne se gêne pas pour se mettre en avant. Oh ! sans penser à mal, car, s’il y a quelque vanité, il n’y a pas l’ombre de méchanceté dans ses prétentions. Tout de même, il lui arrive d’exagérer.

De quel droit a-t-elle si lestement évincé Nise l’autre soir ? Outre qu’elle est la plus jeune, on ne lui demandait rien. La discrétion lui était donc commandée en l’espèce ; elle n’avait pas à se mêler de ce qui ne la regardait pas, ni à accaparer Mr. Robert Wellstone qui, bientôt, ne s’était plus occupé que de son encombrante petite personne. Mais à qui la faute aussi ? Nise elle-même n’a-t-elle pas sa part de responsabilité dans l’affaire ? Aurait-elle dû tolérer le procédé par trop désinvolte de Liette ? Il est vrai qu’il lui était difficile de la rabrouer devant ce gentleman. Par surcroît, rien ne prouve que Liette eût accepté la leçon. Un sang rebelle gronde parfois dans ses veines et alors elle n’en fait qu’à sa tête. M. et Mme Daliot en savent quelque chose, qui ferment peut-être un peu trop les yeux sur ses peccadilles. Sans lui sacrifier précisément Denise, ne sont-ils pas persuadés, eux aussi, de la supériorité de leur benjamine ? Il y a un peu d’orgueil paternel et maternel dans leur aveuglement volontaire.

Voilà pour le passé et Nise ne trouverait guère de réconfort à s’y appesantir, car elle pourrait se remémorer d’autres petits griefs contre l’innocent égoïsme de sa sœur. Quant à l’avenir, il prend la