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de Liette. La faute en est à sa nouvelle robe. Elle en surveille la confection avec tant d’assiduité qu’elle ne peut vraiment pas s’occuper d’autre chose. Cette robe, dont le style lui a été suggéré par un modèle de la Vraie Mode de Paris, est en mousseline de soie blanche et toute simple, mais d’une ligne, d’une élégance, d’un cachet hors pair. Encore faut-il la réussir, la rendre tout à fait seyante, et, sur ce chapitre, Liette ne transige pas. La couturière le comprend et se voue à sa tâche avec une conscience, un amour-propre, un art, bien faits pour apaiser les craintes de sa pratique. Encore quelques petites retouches, un peu plus de « fronces » aux hanches, et de « vague » à la ceinture, et cette robe-là tiendra positivement du chef-d’œuvre. Telle quelle déjà, Nise la trouve ravissante. Mais Nise a toujours peur d’ennuyer son monde et de se rendre importune en exigeant de lui un petit effort. S’il lui plaît d’être « fagotée », libre à elle. Liette entend « s’habiller ».

Faut-il convenir qu’effectivement, Denise n’est guère coquette ? En tout cas, même à la veille de cette fameuse fête de charité, où elle ne doit, il est vrai, ni chanter ni même quêter, elle n’a pas l’esprit à la toilette.

Que se passe-t-il en elle ? Quelque chose d’insolite et que, toute la première, elle ne s’explique pas très bien. Rêveuse au delà de l’ordinaire, bien qu’elle le soit souvent, elle songe moins à demain. qu’à hier, moins au théâtre municipal où Liette compte éblouir la « galerie » qu’à certaine gare où, certain soir, passa certain officier britannique. Eh bien, oui, voilà. Nise songe à Mr. Robert Wellstone et, au rebours de Liette, plus elle va, plus cette songerie l’absorbe. En même temps, dans le fond jusque-là un peu brumeux de son âme, elle sent éclore une chose pure et douce comme un rayon de soleil printanier. Pour parler clair, le beau lieutenant a fait une profonde impression sur elle, et elle garde un