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— Il ne te plaît pas ?

— Qui a dit cela ?

— On le croirait, ma foi.

— Eh bien, on se tromperait, dit Nise, mi-sérieuse, mi-moqueuse.

— À la bonne heure ! J’ai pleine confiance en ton jugement, tu sais, et je serais navrée s’il lui était défavorable. Mr. Robert est si bien ! si comme il faut !

Bref, il n’est pas exagéré de dire que le beau lieutenant occupe dans les pensées de Liette presque autant de place que la nouvelle robe que Mme Daliot, sur ses instances, vient de lui commander pour la fête de charité qui va être donnée prochainement en ville, au bénéfice des orphelins de la guerre, et où elle doit tenir rang de chanteuse et de quêteuse. Car il y aura concert et l’on dira toutes sortes de chansons de soldats, anciennes et modernes. Liette a fait choix d’un air qui date un peu, mais qui, de l’avis unanime, n’en a que plus de saveur. Et elle le fredonne complaisamment, en attendant, sans trop d’émoi, la redoutable épreuve de la scène :

J’ai pour amoureux dans la ligne
Un aimable petit soldat :
J’puis vous assurer qu’il est digne
D’faire battre un cœur délicat…
Qu’il est gentil,
Mon p’tit pioupiou !
C’est mon chéri,
C’est mon bijou.
Bien astiqué,
Propr’comme un sou,
Qu’il est gentil,
Mon p’tit pioupiou !…

Une semaine se passe ainsi, puis une autre, en essayages et en répétitions. Mais au fur et à mesure que le grand jour approche, il n’y a pas à dire, le souvenir de Mr. Robert Wellstone recule de plus en plus, à l’arrière-plan des préoccupations