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III

Dans l’esprit de Liette se font parfois de curieuses classifications qui relèvent d’une hiérarchie à elle. Ainsi elle donne le pas aux militaires sur les civils, notamment quand ils sont jeunes et qu’ils ont un grade. Et, encore qu’elle se défende de mésestimer le moins du monde ses compatriotes, elle a comme qui dirait un faible pour les alliés, parce qu’ils viennent de loin et qu’elle se les représente sous des couleurs plus romanesques. À ce point de vue, les Anglais ont toujours en sa sympathie et elle leur accorde une certaine prédilection.

Aussi, les jours suivants, toute à la pensée de sa rencontre de la gare, ne tarit-elle pas sur le compte de son « filleul ». Elle parle de lui en toute assurance et en toute sérénité, comme d’un excellent garçon, d’une vieille connaissance, d’un ami de toujours, fidèle, solide, éprouvé. Elle se complaît à le décrire, à le prôner, à le porter aux nues. Si aimable, si correct, si élégant, n’est-ce pas une perle, un phénix, le plus racé et le plus chic officier de l’armée britannique ?

Elle en prend Nise à témoin, qui se récuse sans se récuser, tout en se récusant. Car Nise est de l’avis de Marmontel. Peut-être a-t-elle ses prédilections, elle aussi. Mais, âme délicate, elle s’arrange pour les concilier avec les bienséances, c’est-à-dire qu’elle les tient secrètes. Assez peu rompue à cet art, Liette prend le change et s’étonne que le beau Robert Wellstone n’intéresse pas davantage son ainée.

— Mais enfin, que lui reproches-tu, à ce garçon ? lui demande-t-elle.

— Moi ? Absolument rien.