Page:Sevestre - Cyranette, 1920.djvu/26

Cette page a été validée par deux contributeurs.

Liette trottine le long du quai, tout près du wagon qui roule. L’officier lui a enfin lâché les doigts, mais continue de causer avec elle.

— Liette ! répète vivement Mme Daliot. Prends garde ! Veux-tu bien faire attention à toi ?

L’imprudente s’arrête, rose de plaisir.

— Oui, mère… Farewell, sir ! Good luck ! (Au revoir, monsieur ! Bonne chance !)

— Au revoir, au revoir ! répond le lieutenant en agitant son mouchoir.

Il est déjà loin et Liette aussi agite frénétiquement le sien.

— Vous tiendrez votre promesse ?… Vous m’enverrez des cartes ?

À cette distance, il faut rugir pour se faire entendre. Elle crie si fort que le fracas même du train et les hourras des hommes ne peuvent étouffer sa voix… Il a compris. Il incline la tête.

— Juliette, tu me désoles, dit simplement Mme Daliot avec l’indulgence des mères.

— Mais, maman, il n’y a pas de mal, voyons, affirme Liette. C’est mon filleul !

Et elle lui montre le bristol, après y avoir jeté un rapide coup d’œil qui lui a permis de lire, sous la clarté d’une lampe à arc :

Lieutenant Robert WELLSTONE
15e Régiment du Royal Artillery Corps