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diables hurleurs et tapageurs ont repris une tenue impeccable. C’est que quelqu’un leur a crié : « Attention, les gars ! Il y a des dames ! » On est galant ou on ne l’est pas.

Sans précipitation, dans un silence, un ordre qui font honneur à leur discipline comme à leurs vertus chevaleresques, ils descendent du train et se rangent devant la rame, sur le quai. Ainsi la tâche des dames de la Croix-Rouge et de leurs auxiliaires se trouve bien simplifiée et, chargées qui d’un broc fumant, qui d’une corbeille de pain, elles peuvent procéder en toute quiétude à une distribution diligente et équitable du thé et des sandwiches. Cette belle ordonnance ne nuit en rien à la cordialité de la réception. Bu le thé, chacun recouvre d’ailleurs ses franches coudées… dans les limites de la gare et du peu de temps dont on dispose. Des groupes sympathiques se forment autour d’interprètes occasionnels et plus zélés que compétents. On cause comme on peut et l’on s’entend de même. Le détachement vient en droite ligne d’Angleterre. Il se rend sur le front des Dolomites et comprend cinq cents gaillards rompus à la pratique de leurs pièces avec lesquelles ils se promettent de faire des hécatombes d’ennemis.

Liette rayonne. Elle est à la fête ; elle s’en donne à cœur joie. Après s’être surpassée pour le service — deux brocs de thé, plus trois corbeilles de sandwiches en dix minutes : un record ! — ne vient-elle pas d’accaparer un jeune et beau lieutenant ?

Grand, distingué, plutôt sérieux, quoique d’une amabilité charmante, cet officier a tout du gentleman et doit être lord ou fils de lord. Quand elle s’est approchée, il parlait à Denise, restée modestement à l’écart de la foule des soldats. Fort en peine de se donner une contenance, Nise devait souhaiter la fin de ce tête-à-tête, passablement embarrassant pour elle. Telle fut du moins l’impression de Liette, qui jugea bon de voler à