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CYRANETTE

époque, assombrissait ses derniers jours. Cette année, il n’est presque pas tombé d’eau, dans le Devon, depuis octobre. Avec ses nues ensoleillées et ses tiédeurs printanières, novembre a presque figure de mai. Et, dans les haies qui bordent la sente discrète par où l’on rentre du champ de repos, les chèvrefeuilles refleurissent çà et là, au milieu des houx, tout égayés déjà de leurs jolies grappes rouges.

Ainsi, nature et ciel semblent sourire à un bonheur renaissant. Cette sérénité des choses apaise les suprêmes convulsions des âmes qui se souviennent et des cours qui n’oublient pas.

— Que ce pays est beau ! murmure l’archiviste.

— Liette aimait mieux la Savoie, soupire Mme Daliot.

— Nous l’y ramènerons, ma femme, répond M. Daliot, en lui prenant doucement la main.

M. le curé, qui lit son bréviaire, marche à côté de ses amis, derrière les deux jeunes gens.

Et parce que l’apaisement se fait dans les cœurs ulcérés de ce père et de cette mère ; et parce qu’il n’y a plus d’incomprise, plus de sacrifiée, plus de Cyranette, mais une fiancée au bras de son fiancé ; et aussi parce que le ciel est bleu, l’air tiède, que les oiseaux chantent dans les arbres encore parés de magnifiques feuillages aux tons de rouille et d’or, le prêtre pense profondément ce qu’il lit, et que Dieu est juste, et que Dieu est bon, et que Dieu est miséricordieux.

Novembre 1919-Janvier 1920
FIN