Page:Sevestre - Cyranette, 1920.djvu/19

Cette page a été validée par deux contributeurs.

chance, c’est sans doute un plaisir, mais aussi c’est un devoir. Ils ne s’arrêteront pas longtemps — à peine quelques minutes. Raison de plus pour les fêter un peu, ces garçons.

Bras dessus, bras dessous, couple charmant qui attire tous les regards et les retient invinciblement, les petites Daliot précèdent leurs parents, mi-amusés, mi-ennuyés de ces marques d’intérêt qu’elles reçoivent au passage. Pas un jeune homme qui ne les suive d’un œil langoureux. Elles sont si jolies ! Mais, comme toujours, c’est Liette qui l’emporte, parce que, tout en ne faisant rien pour forcer l’attention, elle ne fait rien non plus dans le sens contraire. Elle se sait séduisante, ne le montre pas, mais en est flattée. Au lieu que Nise, pour peu qu’on la fixe, a vite perdu toute assurance. Outre une invincible timidité, n’y a-t-il pas chez elle un fonds de réserve, dont l’ombre estompe sa grâce ? Et cette grâce, celle plus vive et plus attrayante de sa sœur ne tend-elle pas à l’éclipser ? Fine peau mate et rose ; grands yeux bruns, arqués de sourcils fins et veloutés de longs cils ; lèvres pourpres comme un œillet frais éclos ; petites dents éblouissantes qui font étinceler ses sourires : Liette est si belle en effet. Trop belle peut-être. Non point sans doute de ce que les mauvaises langues appellent « la beauté du diable ». On dirait plutôt la beauté des anges. Encore ne faudrait-il pas trop s’y fier. Liette, à vrai dire, n’est ni un ange ni un diable. Elle est ce qu’elle est : un type intermédiaire entre la coquette et l’innocente, entre la femme et l’enfant. Aussi n’a-t-elle pas une piètre idée d’elle-même et ce soupçon de vanité, qui transparaît à la façon dont elle porte la tête, contraste avec la chaste réserve de son aînée.

Si Nise était seule, elle ferait bien en sorte de passer inaperçue. Sa figure calme, un peu mélancolique, et sa modestie, si prompte à s’effaroucher, ne lui vaudraient pas un sourire. Personne ne se retournerait pour la voir encore une fois ; aucun