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CYRANETTE

Liette, sur un hoquet qui sonne comme un sanglot, s’arrête, épuisée. Dans la tête de Robert, tout n’est que vertige. Un immense désarroi lui bouleverse l’âme et le cœur, et peut-être y a-t-il chez lui, à ce moment, comme un effroi, comme une répulsion — l’épouvante de tout ce qu’il vient d’entendre, le choc en retour d’une affection qui se brise. Mais ce n’est là qu’un sentiment passager et qui l’effleure à peine. Au fond de cette âme si noble, seule la pitié subsiste ; pour ce cœur si généreux ne comptent que la franchise de Liette et la sincérité de sa contrition. Et cette pitié grandit, et cette générosité emporte tout, quand l’homme sent défaillir dans ses bras la frêle et déconcertante créature qui a fait le mal sans le savoir et qui, sachant l’avoir fait, en a tant de regret, tant de chagrin, tant de remords.

— Liette, my child, mon petit enfant !

Le soleil danse par le travers de la chambre comme il dansait chaque matin dans celle des deux sœurs, à Chambéry. Il arrive jusqu’au lit où, sans les bras qui l’enlacent, Liette retomberait, pâmée de douleur.

— Mon enfant, revenez à vous ! Vous vivrez, Liette ! Vous vivrez, vous dis-je, par amour de Nise et de moi !

— Là-haut, oui, dit-elle en levant les yeux au ciel. Et je ne serai plus entre vous comme une ombre. Je planerai sur votre bonheur commun. J’en serai l’ange gardien.

Il ne trouve plus rien à dire que ceci :

— Nous verrons ce que M. le curé en pense. Car il va venir, mon enfant, je vous réponds qu’il va venir.

— Oui, n’est-ce pas ? Il le faut. Et vous convenez que je n’ai pas tort de lui écrire.

— Oh ! dit Robert, en se contraignant à un sourire confiant, je ne vous avais pas attendue pour le faire, Liette. Je lui ai déjà écrit, comme à vos parents, et même télégraphié. Mon intention