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CYRANETTE

établir mon autorité sur des domestiques qui ne m’ont pas vue, d’un très bon œil, succéder à la vieille Mrs Wellstone. N’ai-je pas dû en menacer un ou deux de renvoi avant de leur faire comprendre que je ne badinerais pas sur ce chapitre, et que la foreigner, « l’étrangère », comme ils m’appelaient entre eux, avait droit à leur respect ? Ils sont très fiers de leur nationalité, ces domestiques anglais, très imbus de leur importance sociale, très persuadés qu’en dehors du Royaume-Uni, il n’est rien qui vaille ici-bas. Gerty, dans son genre, a un peu de cette mentalité-là. Pour elle comme pour eux, il n’y a que l’Angleterre qui compte. Il n’y a qu’une Anglaise qui soit capable de tenir un home et de commander aux gens. Pouvais-je, par ma soumission, la confirmer dans cette erreur ? Je ne l’ai pas cru.

« Française j’étais, Française je reste. Et je n’ai pas à rougir de mon extraction, Robert se charge de l’apprendre à ceux qui l’ignoreraient. Je ne lui ai parlé de rien, parce que je ne suis pas une cafarde et, de son côté, cette vilaine Gerty s’est bien gardée de le prendre pour arbitre. Mais elle aurait mérité une petite leçon et qu’il la remit vertement à sa place. Elle ne serait pas venue ensuite me gronder pour l’imprudence qu’il paraît que j’ai faite en continuant de prendre des bains au lieu de soigner mon rhume. Des bains ! Toujours ses exagérations ! Car je n’en ai pris qu’un après avoir eu froid au tennis et ce n’est sûrement pas ça qui a pu me faire mal. Si ma toux s’est aggravée et si la fièvre s’en est mêlée, c’est bien plutôt à cause du voyage, du chagrin et du mécontentement.

« Le médecin, qui revient me voir chaque jour, ne m’a pas dit ce que j’avais. Il ne l’a dit qu’à Robert, devant moi il est vrai, mais en anglais (et, en anglais, les termes de médecine, je n’y entends goutte). Mais si, d’après mon cher mari, ce n’est pas grave, ç’aurait pu l’être d’après Gerty qui a