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CYRANETTE

moment précis où il y a lieu de le faire, elle crie à l’abomination de la désolation. Moi, je n’ai pas été élevée dans une nursery. Les us et coutumes d’Angleterre ne me sont pas encore très familiers. Alors ce sont des « Don’t say so » et des « Don’t do it » à n’en plus finir, et des « Shocking !  », et des « Be correct, be careful, Djiouliette !  » (Gerty ne pourra jamais dire « Juliette » comme toi et moi).

« Son mari, le capitaine Sir Frank Townsbridge, magnifique échantillon de sportsman, tout en muscles et en os, est un grand champion de cricket. Il se proposait de m’apprendre les règles du jeu, mais Gerty prétend que j’ai passé l’âge de m’y mettre. Elle a pourtant deux ans de plus que moi, comme je le lui ai fait poliment observer. Au fait, c’est moi qui détiens le record de la juvénilité, Gladys même étant mon aînée de trois mois et six jours. Et trois mois et six jours, c’est quelque chose dans la vie d’une femme : je m’en suis aperçue à Sidmouth. Quant au lieutenant Simpson, « Dick » comme on l’appelle familièrement, son genre me conviendrait assez (en général les Anglais sont mieux que les Anglaises), sans la coupe de sa moustache coupée beaucoup trop ras. Cela lui fait sous le nez une espèce de brosse à dents qui ne lui va pas du tout. Il serait mieux franchement barbu ou complètement rasé. C’est ce que je disais, pas plus tard que ce matin, à sa femme, quand Gerty — de quoi se mêle-t-elle ? — m’a bellement rembarrée :

« — Aoh ! shocking ! Don’t say so, Djiouliette, it’s not ladylike !

« Enfin, à mon avis, il n’y a encore que Robert. Il a ses idées, lui aussi, et même ses marottes, mais il n’en fait pas un plat. Il vous souffle habilement votre rôle, vous reprend sans acrimonie, cherche à vous expliquer pourquoi on doit faire ainsi et non d’autre façon. Si je l’avais toujours près de moi, comme en ce moment, je n’aurais jamais le cafard. Lui non plus. Du moins, je le