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CYRANETTE

« Je ne dis pas que je m’y amuse comme une petite folie, oh ! non. Les conventions, chérie ! Toujours ces assommantes conventions ! Il n’est pas d’usage… Il n’est pas convenable… Il n’est pas de bon ton… Voilà ce que j’entends sans cesse ici comme ailleurs. Croirais-tu qu’aux bains les gentlemen n’ont pas le droit de barboter avec les ladies ? Dans les plages françaises, il y a des bains mixtes, au moins, et s’il vous prend une crampe ou si une lame vous roule, votre mari est là pour vous porter secours. Tandis qu’à Brighton on ne peut compter que sur soi ou sur les maîtres-nageurs, des mercenaires qui, après tout, ne sont pas obligés de boire un coup en l’honneur d’une pauvre petite femme qui se noie.

« Mais ne déblatérons pas. Vérité en deçà de la Manche, erreur au delà, comme dirait Mlle Adélaïde. Et si je ne suis pas précisément à la fête, je ne m’embête pas comme à Oak Grove, Dieu merci ! Ces derniers temps surtout, ce n’était plus tenable. Je ne sais ce que mon pauvre beau-père peut bien avoir contre moi, mais il me saute de moins en moins au cou, et l’on croirait que tout ce que je dis et tout ce que je fais pour l’amadouer n’aboutit qu’à le rendre plus coriace. Il est bien à plaindre d’avoir perdu Mrs Wellstone mère. Moi aussi, va ! Car j’en supporte les conséquences et ce n’est pas folichon !

« Il n’a pas voulu nous accompagner aux bains. En revanche, Gerty et Gladys nous y ont rejoints, avec leurs maris, deux officiers hors cadres qui ne retourneront plus au front. Ils sont bien gentils tous les quatre. Gladys me plaît. Elle a de beaux yeux, de belles dents, un très beau teint aux transparences de nacre, et elle serait tout à fait réussie, si elle n’avait les attaches un peu fortes. J’aime moins sa sœur, qui est plate et comme qui dirait hommasse. Ce n’est pas qu’elle soit pimbêche, Gerty, mais avec elle si l’on ne fait pas exactement ce que l’on doit faire, comme il faut le faire et au