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CYRANETTE

XI

Deux mois s’écoulent. Régulièrement, chaque semaine, Liette écrit à Nise qui lui répond poste pour poste. Faut-il que la jeune Mrs Wellstone ait des loisirs pour qu’elle se montre si assidue !

Elle en a, en effet, et plus qu’elle n’en souhaite. Elle ne le cache pas, ni qu’elle s’ennuie à Oak Grove. Elle s’y ennuie beaucoup. Elle s’y ennuie tellement que Nise, de plus en plus, a peur qu’il ne lui ait servi à rien de s’immoler et qu’au lieu de faire le bonheur de Robert et de Liette elle n’ait contribué qu’à faire leur infortune, comme la sienne.

Aussi respire-t-elle en recevant ces pages moins déprimantes où se retrouve la verve gamine d’une cadette qu’elle connaît :

« Brighton, le 18 septembre 1918.

« Hip ! hip ! hurrah !

« Je t’ai laissé entendre, ma chérie, que je manœuvrais de manière à envelopper Robert et à l’enlever de son poste de commandement, sur notre insipide front du Devonshire. Victoire ! L’opération, préparée avec soin, exécutée avec brio, a réussi parfaitement, comme dit le communiqué officiel. Nous avons quitté Oak Grove avant-hier, sitôt après la moisson, et nous n’y rentrerons qu’au début d’octobre.

« Ce n’est pas trop tôt, ma foi ! Je n’y tenais plus et je serais morte, s’il m’avait fallu y affronter l’hiver sans avoir pris d’abord un peu de bon temps. Ces quinze jours de villégiature à Brighton, plage select et dont quelques bombardements maritimes et aériens n’ont pu décourager les fervents, vont me permettre de rebondir.