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CYRANETTE

Avec accablement, Mme Daliot se penche sur son siège, le front entre les mains. Elle espérait du secours et voici que ce qu’elle entend achève de la désemparer.

— Alors, c’est vrai ? Je ne me trompais pas ? J’ai deviné juste ?… Mon Dieu ! mon Dieu ! Et vous le saviez, et vous ne m’aviez rien dit, à moi, sa mère ? Et, maintenant encore, vous vous contentez de me dire qu’y faire ?

— Germaine, il faut vous calmer, mon enfant. Nous sommes ici pour avoir une explication. Ayons-la de sang-froid, si pénible soit-elle. Je ne vous ai rien dit parce que j’ai le respect de ce qui est respectable et que je ne sache pas que Denise ait rien à se reprocher en l’espèce.

— Comment, rien à se reprocher ? Une telle passion ! Vous l’excusez ? Mais c’est monstrueux !

— N’exagérons pas, Germaine. Et permettez-moi de vous dire que vous n’y êtes pas. Est-ce Denise qui vous a livré son secret ?

— Il n’aurait plus manqué que cela !

— C’est donc fortuitement que vous l’avez découvert ?

— Oui, tout à fait fortuitement. Pouvais-je supposer…

M. le curé l’arrête.

— Vous avez eu raison de venir me trouver, Germaine. Le mal n’est pas où vous le voyez. Le mal c’est que Mr. Wellstone ait épousé Liette au lieu d’épouser Nise. Et la coupable — si coupable il y a, car nous sommes faibles et nos défaillances ne doivent pas être jugées avec trop de rigueur — la coupable, Germaine, ce n’est pas Nise, ce n’est même pas Liette.

— Qui serait-ce alors ?

— Mais vous.

— Moi ? se récrie la pauvre femme.

— Si coupable il y a, vous ai-je dit. Parce que ?… Parce que vous avez été trop mère dans un cas et pas assez dans l’autre. Trop mère avec Juliette.