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CYRANETTE

invraisemblable, cette explication-là, si grave, si inadmissible pour la femme, la mère et la chrétienne qu’elle est !

Nise aimerait. Et qui, grand Dieu ? Le mari de sa sœur, son propre beau-frère !

Épouvantée, Mme Daliot se hâte de quitter son mari afin qu’il ne lui demande pas la cause de son désarroi. Mais l’archiviste pense sans doute à toute autre chose, car cette brusque sortie de sa femme n’a même pas le don de l’intriguer.

« Je vais voir M. le curé ! » s’est dit Mme Daliot.

Et elle monte à Maché comme y était montée Juliette quelques mois plus tôt, un après-midi, clandestinement. Dieu soit loué ! Agathe n’est pas là et c’est l’abbé Divoire en personne qui reçoit la pauvre femme.

Comme il fait chaud et que la gouvernante, partie en courses, ne doit pas rentrer tout de suite, on s’assied dans le jardin, sous le pêcher taillé en tonnelle. On y est un peu comme au confessionnal, et l’agitation de sa visiteuse avertit M. le curé qu’elle vient trouver le prêtre autant que l’ami.

— Qu’y a-t-il, Germaine ? Rien de fâcheux, J’espère ?

Mme Daliot se contient depuis trop longtemps. C’est plus fort qu’elle, il faut qu’elle donne cours à ses larmes :

— Ah ! monsieur le curé !… monsieur le curé !…

— Voyons, voyons, répète-t-il, très inquiet. Liette va bien ?

— Il ne s’agit pas de Liette… C’est Denise qui… — j’étouffe, monsieur le curé, quelle honte ! — Je crois, je ne suis pas sûre, mais j’ai tout lieu de croire qu’elle aime Mr. Wellstone.

— Eh ! je le savais, répond l’abbé.

Mme Daliot n’en revient pas.

— Vous le saviez ?… Denise ?… car j’ai dit Denise, monsieur le curé, Denise, pas Liette !

— Oui, murmura le prêtre, et c’est un malheur, ma pauvre Germaine, mais qu’y faire ?