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CYRANETTE

X

Telles sont les premières impressions de la nouvelle Mrs Wellstone, là-bas, dans le home cher à Robert.

Rue Nézin, on ne s’en émeut pas outre mesure. Seule, Nise, experte à lire entre les lignes, craint que Liette ne soit pas faite pour s’adapter au sévère milieu d’Oak Grove. Certes, le deuil de son mari et le mariage de ses belles-sœurs tombent mal pour elle. Elle va se trouver bien esseulée dans ce vieux manoir perdu au fond de sa chênaie, et il est à redouter qu’elle ne s’y accommode guère de l’austère compagnie d’un vieillard que le chagrin consume et que fatiguent son babil, son rire trop gai, jusqu’à son désir de lui être agréable. Si jamais beau-père et belle-fille furent peu faits pour s’entendre, ce sont bien eux.

À ce vieillard désâmé, qui pleure sa femme et a déjà un pied dans la tombe, il faudrait une tout autre bru, une de ces douces créatures que leur patience, leur bonté, leurs vertus filiales et domestiques désignent pour les grands dévouements. Il faudrait une sainte et non un diablotin, une attentive et non une étournette, quelqu’un dont la réserve répondrait à ses silences, dont les attentions préviendraient ses désirs et qui, à force de soins discrets, par la lente persuasion d’une constance que rien ne rebute, arriverait à le réconcilier avec la vie ou tout au moins à lui rendre le courage d’en porter le faix. Et si, dans la situation de Liette, Denise eût pu remplir ce rôle de sœur de charité et y trouver satisfaction grâce à la reconnaissance de Robert, Liette, pour disposée qu’elle soit à bien faire, y est-elle suffisamment préparée ?