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— Au fait, dit l’archiviste en s’interposant, il y a bien longtemps que nous n’y sommes allés, en excursion, qu’en pensez-vous, monsieur le curé ?

— Mon Dieu, oui, bien longtemps.

— Et s’il nous faut attendre la fin de la guerre !…

— Ce serait désolant ! dit Liette. J’ai un tel désir de retourner à Aiguebelette ! Vous n’imagineriez pas comme je raffole d’Aiguebelette, monsieur le curé. Aller par chemin de fer, déjeuner sur l’herbe, retour à pied par le col du Crucifix, voilà mon programme. Qui m’aime me suive !

— Ça va ? fait M. Daliot.

— Ça va, dit l’abbé.

— Mais quand ? demande Mme Daliot, accoutumée à bien faire les choses et pour qui ces sortes de parties équivalent à de vraies expéditions.

— Oh ! pas demain, bien sûr, répond l’abbé. Un de ces dimanches et sous réserve que j’aie trouvé un remplaçant. Mes paroissiens d’abord, vous comprenez.

Liette déchante à ces mots et ne peut s’empêcher de faire la moue. Faire la moue lui réussit très bien, d’ailleurs. La moue peut n’être qu’une grimace, mais elle peut être aussi une séduction.

— Bien la peine de prétendre que ça va, quand ça va si peu qu’autant dire pas du tout ! Vous nous mettez l’eau à la bouche, monsieur le curé. Et puis après, c’est la poire d’angoisse. Vraiment, ce n’est pas très charitable.

— Liette ! murmure Mme Daliot… Ne répondez pas, monsieur le curé. Votre café va refroidir.

— Par cette chaleur !… Anormale, cette chaleur, insiste l’abbé à dessein ; et, jetant un coup d’ail par la grande baie qui lui fait face : M’est avis que nous pourrions bien avoir de l’orage avant la nuit.

Tout alarmée de cette innocente taquinerie, Liette ne fait qu’un bond jusqu’à la fenêtre.

Un peu de vent souffle du sud, par intermit-